À l’occasion de la sortie en salles du nouveau film Pixar Elio, nous avons pu nous entretenir avec Pete Docter, directeur de la création pour le studio, Mary Alice Drum, productrice du long-métrage, ainsi qu’avec le duo de réalisatrices composé de Domee Shi et Madeline Sharafian, afin d’en apprendre plus sur les secrets de production cette œuvre atypique. Après avoir été repoussé et avoir changé d’équipe créative, le petit dernier de Pixar n’a presque plus rien à voir avec son tout premier teaser diffusé en juin 2023. Malgré ces changements majeurs de dernière minute, Elio n’a rien d’un film d’animation rapiécé et s’impose même comme l’une des plus belles créations du studio. Voici les confidences que nous ont faites les équipes de Pixar concernant la production du projet, qui n’est vraisemblablement pas si inhabituelle que ça.
Journal du Geek : La nouvelle version d’Elio diffère complètement de l’originale. Qu’est-ce qui vous a motivé à inviter Domee Shi et Madeline Sharafian sur ce projet pour appliquer ces changements ?
Mary Alice Drum : Chez Pixar, nous avons pour habitude de retravailler nos films de cette façon, mais en temps normal nous ne diffusons jamais un teaser deux ans avant la sortie ! La production du film durait depuis quelque temps déjà, puis nous avons fait face aux différentes grèves hollywoodiennes et Adrian Molina (le réalisateur original, NDLR) a fait part de son souhait de travailler sur Coco 2, donc nous savions qu’Elio allait nécessiter une année de plus et sortir après Vice-Versa 2. Madeline et moi-même avons eu la chance de travailler avec Adrian sur Coco, tandis que Domee a travaillé avec lui sur Alerte Rouge. Donc nous en avons parlé à ce moment-là et Adrian a pensé que c’était le bon moment pour confier le projet à Madeline et Domee. Ce sont tous des profils très différents, mais ils partagent une même sensibilité. Madeline et Domee nous ont suggéré de faire d’Elio un enfant passionné par l’espace plutôt qu’un simple humain kidnappé par erreur et nous avons adoré l’idée.
Pete Docter : Chez Pixar, l’histoire représente 95% de notre travail. Nous avons des talents incroyables en animation, en éclairage et dans tous les autres aspects du métier, si bien que nous pouvons leur faire entièrement confiance et nous concentrer sur le scénario. Ce qui n’était pas forcément le cas autrefois. Madeline a été une contributrice importante sur de nombreux films, tandis que Domee a fait ses preuves avec Alerte Rouge. Nous les avons donc laissé faire, et ce qui est drôle avec ce film c’est qu’il a des influences de tout le monde, mais il parvient tout de même à avoir sa propre identité.
Journal du Geek : Madeline, Domee, qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez rejoint le projet en cours de route, en tant que réalisatrices qui plus est ? Était-ce effrayant ? Difficile ?
Madeline : Oh nous avons ressenti toutes les émotions possibles. C’était difficile, et nous avons eu peur, mais c’était également stimulant et exaltant. Aucune de nous deux n’avait fait de science-fiction auparavant, mais c’est un genre que nous affectionnons tout particulièrement, donc cela nous a semblé être l’occasion idéale de nous faire la main sur ce terrain qui ne nous est pas familier. Mais oui, c’était aussi la première fois que l’on rejoignait un projet en cours de production. Ce n’était pas nouveau pour Pixar puisque de nombreux films comme Ratatouille, Le Voyage d’Arlo, Rebelle ou Monstres Académie sont passés par un processus similaire, mais c’était inédit pour nous. Nous avons été honorées et je dirais que nous avons relevé le défi !
Journal du Geek : Puisque vous parlez de science-fiction, ya-t-il des œuvres dont vous vous êtes inspirées pour donner vie à l’univers d’Elio ?
Madeline : Oui, il y a eu beaucoup d’inspiration du côté de l’histoire mais j’ai surtout aimé me plonger dans certains détails visuels un peu pointilleux, en nous concentrant sur des films de l’ère 80 et 90, et de la fin des années 70, comme Rencontre du Troisième Type, E.T. ou encore The Thing. Ces films ont quelque chose de spécial, comme une esthétique intemporelle de la science-fiction. Nous avons identifié les éléments qui permettent de ressentir cette ambiance : l’utilisation d’objectifs anamorphiques, les ombres profondes, le bruit visuel… Un de mes éléments préférés reste l’une des marques de fabrique de Steven Spielberg : il y a de la brume partout. Il y a un plan de la chambre d’Elliott dans E.T. qui m’a marqué, car il y a de la brume dans cette pièce, mais l’on n’a pas besoin de comprendre pourquoi. C’est un artifice uniquement présent pour nous faire ressentir quelque chose. Donc nous avons appliqué tout cela à Elio pour tenter de reproduire cette sensation presque nostalgique.
Journal du Geek : Les visuels de vos films évoluent plus que jamais ces dernières années, d’où vous proviennent les inspirations pour les nouveaux styles que l’on a pu voir dans Luca, Alerte Rouge et maintenant Elio ?
Pete Docter : Je pense que chez Pixar, le style émerge de l’histoire. Le film a besoin d’être soutenu par des visuels qui sont en accord avec les émotions. Si je prends Là-Haut comme exemple, nous voulions que cet homme puisse faire flotter sa maison dans le ciel. C’est pour cela que nous avions besoin d’une esthétique proche de poupées, quelque chose de presque miniature, afin que l’on puisse croire que sa maison puisse être soulevée par des ballons. Certains de nos films à venir vont expérimenter encore plus avec leur style, mais cela émerge toujours de l’histoire elle-même.
Journal du Geek : Pour finir, Domee et Madeline, quel a été le processus créatif derrière la réinvention du personnage d’Elio ? Pourquoi avoir changé complètement sa personnalité au point de réécrire une si grande partie du film ?
Domee Shi : Quand Madeline et moi avons rejoint le projet et que nous avons commencé à examiner le personnage d’Elio, je pense que, comme le fait chaque réalisateur, nous avons essayé de créer un lien personnel avec le protagoniste d’une certaine manière. Pour nous, notre entrée dans l’histoire, ça a été de lui confier cette obsession pour l’espace dès le début du film. Nous nous sommes tellement identifiées à cette quête d’appartenance, ce sentiment de désirer un endroit où l’on se sent à sa place. Vous savez, nous étions les enfants artistes “bizarres” qui désiraient plus que tout nous rendre dans une école d’animation et finir chez Pixar entourées d’autres personnes excentriques. Nous aussi nous avons cette passion obsessive. Et je pense que c’est ce qui a rendu Elio si attachant pour nous, et nous a permis de faire un film de science-fiction encore plus unique. Car bien souvent, les personnages qui se font enlever par des aliens n’en n’ont pas envie. Donc nous avons trouvé que c’était une approche amusante. Ce simple changement nous a poussés à retravailler son passé, et cela a eu un effet boule de neige sur d’autres éléments du concept initial. Mais nous avons senti que c’était la bonne chose à faire, c’est devenu l’histoire d’un garçon qui apprend à se connecter avec les gens qui l’entourent ainsi qu’avec sa planète natale, nous sommes en quelque sorte passés d’une histoire plus intime, plus petite, à une histoire plus universelle, à laquelle de nombreux spectateurs peuvent s’identifier.
@journaldugeek ALERTE NOSTALGIE, on a rencontré le casting vocal de #Elio par #Pixar et il y a des surprises… ! ✨ #Journaldugeek