Critique F1 : un spectacle grandiose… mais peut-être pas pour les fans

Rédigé le 24/06/2025
Chris Klippel

C’est sans doute l’un des blockbusters de cet été, découvrez notre avis sur le film officiel F1 produit par Apple avec Brad Pitt.

Voilà près de quatre ans que les rumeurs circulent autour d’un film centré sur la Formule 1. Dès décembre 2021, les noms de Brad Pitt, Joseph Kosinski (réalisateur de Top Gun : Maverick), Jerry Bruckheimer (producteur également de Top Gun Maverick, mais aussi de Pearl Harbor, Le Flic de Beverly Hills ou encore Pirates de Caraïbes) étaient déjà évoqués. On parlait même d’un certain Lewis Hamilton, septuple champion du monde de F1, comme une personne très impliquée dans le projet.

Finalement, ces rumeurs se confirment dès le mois de juin 2022 avec Apple en détenteur des droits de distribution aux côtés de Warner Bros. Lors des saisons 2022, 2023 et 2024, les équipes de tournages ont été plusieurs fois aperçues pendant des week-ends de Grand Prix pour tourner des scènes du film avec des prises de vues réelles lors des courses.

Si le projet n’avait pas vraiment emballé grand monde lors de son annonce, force est de constater que les premières images semblaient de grande qualité. Avec un Lewis Hamilton en producteur et consultant, on avait de quoi espérer un bon divertissement, permettant aux passionnés de passer un agréable moment et aux néophytes de découvrir un peu plus le sport automobile.

Attendu pour une sortie dès cette semaine, le 25 juin, dans les salles obscures, nous avons eu l’occasion de voir le film en avant-première. Voici ce que l’on peut en dire.

Brad Pitt de retour dans la compétition

© Warner Bros.

Le film officiel F1 nous permet de faire la connaissance de Sonny Hayes, interprété par Brad Pitt. Sonny est un prodige de la Formule 1 dans les années 90. Il dispute chaque week-end de course la victoire aux côtés de Prost, Senna, Mansell ou encore Schumacher. Malheureusement, sa carrière va rapidement prendre fin après un très violent accident au Grand Prix d’Espagne.

Hayes décide de quitter le monde du sport automobile pendant une dizaine d’années, avant de revenir en tant que pilote indépendant qui se lance chaque saison de nouveaux défis, dans différentes disciplines. Après avoir remporté la mythique course des 24h de Daytona, Sonny est contacté par Ruben Cerventes (incarné par Javier Bardem, que l’on a pu voir dans Dune, Pirates des Caraïbes : La Vengeance de Salazar ou encore Skyfall).

Ruben est l’ancien coéquipier de Sonny, du temps où ils courraient tous les deux en Formule 1. Plus de 30 ans après, il est désormais patron d’une écurie, Apex Grand Prix (APXGP) au bord de la faillite. Il lui manque un pilote, et Sonny semble être son dernier espoir.

© Warner Bros

Nouveau défi pour Sonny : redevenir un pilote de F1, plus de 30 ans après son crash. Il ne dispose que d’une demi-saison pour redresser l’écurie et sauver ses employés et son ami. Le film veut ainsi plonger les spectateurs dans l’envers du décor, de la préparation du pilote, à la gestion d’une écurie en passant, forcément, par les incroyables moments de courses.

Sur la partie distribution, F1 nous offre de belles prestations. En pole position, nous retrouvons Joshua Pearce, le coéquipier de Sonny Hayes, interprété par Damson Idris (Farming, Zone Hostile). Kate, la première femme ingénieure en charge de concevoir la voiture APX Grand Prix, est incarnée par Kerry Condon (Marvel’s Avengers). Nous retrouvons également Kim Bodina (Pusher, Rosewater) dans le rôle de Kaspar, le team principal (directeur d’écurie) d’APX Grand Prix.

Dans l’ensemble, le casting tient bien la route. Damson Idris s’en sort particulièrement bien dans le rôle du « rookie », qui n’est pas étouffé par son manque de confiance en lui… Au point de devenir insupportable ? Tant mieux, c’est le but recherché. De l’autre côté de la piste, Brad Pitt s’illustre parfaitement en mentor avec un rôle qui semble être fait sur mesure.

Des sensations de course vraiment exaltantes

© Warner Bros

Derrière ce film F1, nous avons Joseph Kosinski à la réalisation. L’homme s’est illustré ces dernières années pour avoir réalisé Top Gun Maverick. Et, ça se ressent. Le film est clairement une pépite visuelle et sonore. L’image, le son, la mise en scène, les moments intenses dans la course, tout est réussi.

Les caméras sont judicieusement positionnées pour nous faire ressentir toute l’intensité et nous happer? On ressent le danger et l’adrénaline grâce des scènes très immersives. Mention spéciale aux séquences avec la vue dans le cockpit qui nous permettent de vivre la course comme les pilotes la voient.

Les accrochages ne sont pas simulés et les accidents sont pour la plupart réels, repris de véritables faits de courses lors des saisons 2023/2024 de F1 ou réalisés pour les besoins du film. Cela rajoute un côté spectaculaire.

© Warner Bros.

L’ambiance sonore joue également un grand rôle. Bien entendu, il y a la majestueuse bande-son composée par le maestro Hans Zimmer qui nous immerge totalement dans les séquences les plus fortes du film. Mais, à côté, il y a également les effets sonores. L’ambiance des paddocks, le bruit des stands et le son des F1 ont été parfaitement retranscrits.

Rappelons que Brad Pitt pilote réellement la voiture sur de nombreuses séquences. Pour les besoins du film, les équipes ont construit une F2 maquillée en F1, moins puissante et moins dangereuse à piloter. L’illusion est parfaite puisque les F2 d’APEX Grand Prix vont parfaitement se fondre dans le reste de la grille.

Plan C, comme “Cliché”

© Warner Bros

Alors, bien entendu, si vous êtes fans de la F1, il va falloir vraiment aller voir le film en ayant en tête qu’il ne s’agit pas d’un documentaire qui se veut réaliste.

Dans l’ensemble, le monde de ce sport a été parfaitement retranscrit, avec énormément de références et d’allusions. Le réalisateur a pris soin de mettre en avant de nombreux détails importants et les enjeux déterminants que l’on retrouve chaque weekend de grand prix : les stratégies, les rivalités, les places rares qui peuvent vite se perdre, la pression, les accidents, les dangers, les retournements de situations, etc…

Rappelons que le septuple champion du monde Lewis Hamilton était producteur et consultant sur le projet. Bien qu’il n’ait pas eu accès à toutes les informations, il a pu donner beaucoup de conseils. Mais le souci, c’est que, pour bien appuyer tout cela, les producteurs y sont allés peut-être un peu trop fort, faisant parfois basculer le film F1 dans le « too much » et les clichés.

Le film met en scène l’équipe APEX Grand Prix, une team de fond de grille qui doit absolument améliorer ses résultats pour sauver son avenir. Cela passe par le recrutement d’un nouveau pilote et l’arrivée de plusieurs  ”packages” qui sont des améliorations apportées à la voiture tout au long de la saison.

© Warner Bros

Le personnage de Sonny Hayes (approchant de la soixantaine), est vraiment décrit comme un as du pilotage. Un véritable prodige, capable de se préparer à la F1, et de rivaliser avec les meilleurs pilotes dont Max Verstappen, Charles Leclerc ou encore Lewis Hamilton, après seulement deux ou trois semaines d’entraînement. Alors, que, dans les faits, les pilotes de F1, bien plus jeunes, doivent mettre de nombreux mois, voire des années pour se préparer.

Les packages apportés à la voiture sont juste révolutionnaires. Ces derniers vont parvenir à transformer l’une des pires monoplaces du plateau en une top team pouvant viser le milieu de classement, voir des podiums et des victoires. Le tout, en seulement trois ou quatre courses.

Bien sûr, ce genre de scénario peut arriver, comme avec le cas McLaren qui a débuté l’année 2024 de manière chaotique et qui a fini par remporter le Championnat du monde. Mais ce genre d’exemples reste rare et, surtout, on parle d’une écurie ayant les moyens et un effectif impressionnant, qui a mis plusieurs années à se redresser avant d’éclore en 2024.

Les stratégies de courses aussi sont mises en avant, mais de manière bien trop improbable. Lors d’une course, la victoire se joue grâce à un véritable jeu d’équipe. Le pilote, son ingénieur et les stratèges sur le muret des stands (qui regardent les télémétries, les conditions climatiques, les faits de courses et les données de la voiture) doivent communiquer ensemble, de manière précise et très brève.

Tout peut se jouer parfois en quelques dixièmes de secondes. Il peut arriver que des désaccords et des incompréhensions puissent créer des tensions entre le pilote et son équipe. Et c’est ce que le film F1 souhaite mettre en avant par moment avec un Brad Pitt téméraire qui va tenir tête à son ingénieur et à son patron d’écurie. Ce dernier n’hésite pas à rester sur son emplacement de stand près de 9 secondes pour faire pression afin qu’on lui mette les pneus qu’il souhaite.

Chose improbable, puisque perdre neuf secondes lors d’un arrêt au stand ruinerait totalement une course. Même si à ce moment-là du film, la victoire n’était pas un objectif, perdre autant de temps réduirait à néant toute possible stratégie.

Autre point qui peut prêter à sourire : les départs de courses. Nous avons des monoplaces APEX qui sont systématiquement mal placées et partent en fond de grille, mais qui parviennent assez souvent à remonter à la deuxième ou troisième position avant le premier virage.

© Warner Bros

Concernant les différentes stratégies de courses utilisées dans le film : en F1, le jeu des équipiers pour ralentir d’autres pilotes est une stratégie importante. Mais, il y a certaines règles. Et, là encore, dans le film, cela va un peu trop loin. Sonny Hayes, réputé pour avoir un pilotage bien trop agressif, ne va pas hésiter à provoquer des accrochages, des drapeaux jaunes, voire même des drapeaux rouges. Des situations qui seraient tout simplement interdites lors de vrais weekends de courses. 

Enfin, F1 n’oublie pas de mettre en avant la relation et la rivalité entre coéquipiers. Un scénario qui rappelle énormément le mode de jeu « Point de Rupture » que les joueurs ont pu découvrir dans les jeux F1 depuis 2021.

Nous découvrons alors la rivalité entre un jeune rookie, arrogant, qui a soif de victoires, qui rêve d’une grande carrière, et qui n’est pas assez mature. Face à lui, un pilote en fin de carrière, qui a du vécu, de l’expérience et qui va endosser le rôle de mentor. Une dynamique que le film va pousser à son paroxysme, quitte à tomber dans les clichés, voire la niaiserie.

En F1, un jeune pilote peut perdre son baquet après trois ou quatre courses ratées. Le film, lui, choisit de mettre en scène un novice tout souriant, faisant le coq devant la presse juste après avoir abandonné bêtement la course.

Il faut être conscient que l’objectif du film est d’apporter du spectacle, de s’adresser aux fans, mais aussi et surtout aux non-fans, pour parvenir à les captiver pendant plus de 2h30. Si vous partez du principe que vous allez voir un film pour le divertissement et non un film documentaire, vous passerez forcément un bon moment.